Albert Camus
L’ÉTRANGER(1942)
DEUXIÈME PARTIE
II ④
1時間58分59秒から2時間01分59秒まで
À part ces ennuis, je n’étais pas trop malheureux. Toute la question, encore une fois, était de tuer le temps. J’ai fini par ne plus m’ennuyer du tout à partir de l’instant où j’ai appris à me souvenir. Je me mettais quelquefois à penser à ma chambre et, en imagination, je partais d’un coin pour y revenir en dénombrant mentalement tout ce qui se trouvait sur mon chemin. Au début, c’était vite fait. Mais chaque fois que je recommençais, c’était un peu plus long. Car je me souvenais de chaque meuble, et, pour chacun d’entre eux, de chaque objet qui s’y trouvait et, pour chaque objet, de tous les détails et pour les détails eux-mêmes, une incrustation, une fêlure ou un bord ébréché, de leur couleur ou de leur grain. En même temps, j’essayais de ne pas perdre le fil de mon inventaire, de faire une énumération complète. Si bien qu’au bout de quelques semaines, je pouvais passer des heures, rien qu’à dénombrer ce qui se trouvait dans ma chambre. Ainsi, plus je réfléchissais et plus de choses méconnues et oubliées je sortais de ma mémoire. J’ai compris alors qu’un homme qui n’aurait vécu qu’un seul jour pourrait sans peine vivre cent ans dans une prison. Il aurait assez de souvenirs pour ne pas s’ennuyer. Dans un sens, c’était un avantage.
Il y avait aussi le sommeil. Au début, je dormais mal la nuit et pas du tout le jour. Peu à peu, mes nuits ont été meilleures et j’ai pu dormir aussi le jour. Je peux dire que, dans les derniers mois, je dormais de seize à dix-huit heures par jour. Il me restait alors six heures à tuer avec les repas, les besoins naturels, mes souvenirs et l’histoire du Tchécoslovaque.
Entre ma paillasse et la planche du lit, j’avais trouvé, en effet, un vieux morceau de journal presque collé à l’étoffe, jauni et transparent. Il relatait un fait divers dont le début manquait, mais qui avait dû se passer en Tchécoslovaquie. Un homme était parti d’un village tchèque pour faire fortune. Au bout de vingt-cinq ans, riche, il était revenu avec une femme et un enfant. Sa mère tenait un hôtel avec sa soeur dans son village natal. Pour les surprendre, il avait laissé sa femme et son enfant dans un autre établissement, était allé chez sa mère qui ne l’avait pas reconnu quand il était entré. Par plaisanterie, il avait eu l’idée de prendre une chambre. Il avait montré son argent. Dans la nuit, sa mère et sa soeur l’avaient assassiné à coups de marteau pour le voler et avaient jeté son corps dans la rivière. Le matin, la femme était venue, avait révélé sans le savoir l’identité du voyageur. La mère s’était pendue. La soeur s’était jetée dans un puits. J’ai dû lire cette histoire des milliers de fois. D’un côté, elle était invraisemblable. D’un autre, elle était naturelle. De toute façon, je trouvais que le voyageur l’avait un peu mérité et qu’il ne faut jamais jouer.
その二つの悩みを除けば、僕は取り立てて不幸ということはなかった。繰り返すが、問題はいかに時間を潰すかということに絞られる。結局、僕は過去の記憶を辿(たど)る術を身につけてからもう退屈することは無くなった。ときどき自分の寝室を思い出してみる。そして想像の中で寝室の、ある片隅から出発し途中にある全てのものを頭の中で数え上げながら出発点に戻って来る。最初は、あっという間に終わってしまった。しかし回を重ねるごとに、少しずつ時間が延びる。というのも、僕は家具の一つ一つを思い出し、それぞれの家具に入っている一つ一つの物を思い出し、それぞれの物についての全ての細部、さらに、水垢、ひび、欠けた縁といった細部については、その色やざらざらとした感触を思い出していたのだ。同時に僕は、記憶の目録の順番を忘れないこと、完璧にかぞえあげることに努めていた。その結果、数週間後には、寝室にあるものを数え上げるだけで何時間も過ごせるようになった。こうして、考えれば考えるほど自分の記憶の中からそれまで無視していたもの、忘れていたものを引き出すことになったのだ。そこで僕は、たった一日しか娑婆で生活しなかった人間でも監獄の中では苦も無く百年は生きられるということが分かった。そんな人でも退屈しないだけの思い出が手に入るのだ。それはある意味、監獄にいることの利点だった。
睡眠の問題もある。最初僕は、夜は寝つきが悪く昼間は全く眠れなかった。そのうち少しずつ夜の寝つきが良くなり、昼間も眠れるようになった。最後の数か月は、一日に16~18時間眠っていたと言える。そこで残りは6時間ということになるが、僕は食事、用便、過去の思い出、それにチェコの話で時間を潰した。
と言うのも、ベッドの板と藁の敷布団の間に古新聞の切れ端が見つかったのだ。それは敷布団の布に貼りついていて、黄色く透けていた。切れ端にはある三面記事が事細かに書かれていた。出だしの部分は欠けているが、それはチェコの出来事に違いなかった。ある男が一財産築こうとチェコのある村を出る。25年後、金持ちになった男は妻と子供を連れて戻って来る。男の母親は彼の姉と共に生まれ故郷の村でホテルをやっていた。二人を驚かせてやろうと、男は妻と子供を別の建物に残し母親の所に行った。母親の方は、男が入って来たときそれが息子だとは分からない。男は悪戯心から、部屋を一つ借りてやろうと思いたち金を見せた。夜になると、母親と姉はハンマーで男を殴り殺して金を奪い、死体を川に放り込んだ。翌朝、そんなこととは露知らず、男の妻がやって来て旅人の素性を明かした。母親は首を吊り、姉は井戸に身を投げてしまった。僕はその話を何千回も読む羽目になった。有り得ない話のようにも思えるが、自然な話のようでもある。いずれにしろ、僕が思ったのは旅人の死は多少自業自得であり、決して悪ふざけをしてはならぬということだった。
(ミスター・ビーン訳)